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DojoClub Evreux Judo originel et Jujitsu

NOTIONS DE STABILITE par Yvon RENELLEAU

Dojo Club d'Evreux

 

 

NOTIONS DE STABILITE par Yvon RENELLEAU

 

Pour ce troisième article, avant de vous donner mon opinion sur la stabilité, je vous propose de déchiffrer avec moi la lithographie ci-dessous, qui est représentée à la page 19 du livre « JUDO KODOKAN ». Publié en 1955 par KODANSHA.

 lithographie.jpg

L’invraisemblance de la situation représentée sur cette lithographie a toujours prêté à sourire. Pourtant cette gravure a été insérée dans un livre qui, à sa sortie, a été considéré par les professeurs de judo, comme la « bible » de leur discipline. En effet, la femme en tenue traditionnelle apparaît bien frêle en comparaison du lutteur de taille herculéenne qui semble en mauvaise posture, « déséquilibré » en arrière par la seule force de l’index de la petite geisha. Effectivement, cela semble inconcevable. Il est évident que l’auteur du dessin ne tient pas compte de la puissance physique comme un élément essentiel de l’efficacité. Par contre, cette « allégorie » fait apparaître de nombreux détails sur l’attitude des acteurs de cette scène. Il semble évident que ce n’est pas la supériorité physique de l’un par rapport à l’autre qui est illustrée, mais l’importance de l’attitude de la petite geisha comme un élément fondamental de son efficacité.

Explications relatives aux attitudes des deux personnages

 

Commençons par considérer l’attitude de la femme.

- Son corps est parfaitement vertical.

- Ses pieds sont parallèles et très légèrement écartés.

- On remarque que les pieds, les hanches et les épaules sont dans le même plan sans aucune torsion.

- Son cou est dégagé des épaules, seule sa tête est orientée vers le point de contact de son index droit.

- Son épaule gauche n’est pas relevée et son bras gauche tombe naturellement le long de son corps.

- La position de la main gauche ouverte sans crispation indique que le coude gauche n’est pas orienté vers l’extérieur.

- Son bras droit agit sur le lutteur dans une forme très arrondie. Tout comme l’attitude générale de cette femme son bras ne laisse apparaître aucune tension, aucune contraction.

- La légère flexion de ses jambes et les épaules relâchées vers le bas nous montre que son action est liée à son expiration.

- Enfin sa verticalité indique qu’elle dose son action sans aucune dépendance avec le lutteur. Le contact de son doigt n’a pour but que de contrôler le géant pour l’empêcher de retrouver sa verticalité.

Il est important de noter que chaque élément de son attitude est essentiel pour sa stabilité et… aussi pour la notre.

Après l’attitude de la femme, considérons celle du lutteur.

- Ses jambes sont largement écartées ce qui signifie un manque évident de mobilité.

- Son ventre en avant atteste que son bassin est figé sur ses vertèbres lombaires.

- Les épaules relevées, les bras écartés du corps et les coudes orientés vers l’extérieur indiquent qu’il n’est ni dans son centre de gravité…ni dans son hara.

- L’ensemble de son visage, le cou, les mains, les épaules expriment la tension et la contraction.

- Il est sur les talons, les gros orteils sont relevés, crispés par l’effort qu’il fait pour récupérer sa verticalité.

Ainsi les principaux défauts de la position fondamentale sont parfaitement représentés avec le lutteur. Donc il faut les éviter.

 

LA STABILITE

Tout d’abord, il est souhaitable de différencier les notions d’équilibre et de stabilité. L’être humain dès l’enfance après un apprentissage assure un équilibre qui est lié à ses possibilités motrices, physiologiques et psychiques. Dans la vie courante pour assurer cet équilibre nous utilisons trop fréquemment les appuis qui se trouvent à notre portée pour maintenir un équilibre qui nous semble parfois instable. En prenant régulièrement des appuis de confort nous n’améliorons pas notre équilibre intrinsèque. Cette habitude se retrouve dans la pratique du judo lorsque nous prenons des appuis sur le partenaire, en étant persuadé de renforcer notre stabilité. Nous oublions que nos appuis dépendent alors de celui qui cherche justement à nous la faire perdre dans le but de nous projeter.

Notre stabilité doit être indépendante de l’adversaire. Cela s’étudie et se perfectionne. Pour être stable et conserver notre équilibre sans dépendance, il faut être dans une position qui nous permet de nous déplacer instantanément dans le même sens que la ou les forces qui s’attaquent à notre verticalité. Pour se déplacer instantanément il faut que l’écart de nos pieds soit minimum. Les Maîtres d’arts martiaux préconisent l’attitude SHIZEN-HONTAI. Dans cette position l’écartement des pieds ne doit pas dépasser la largeur des hanches. Au-delà de cet écartement nous sommes dans un défaut majeur qui nous empêche un déplacement immédiat de notre corps. En Chine ce défaut se nomme « double lourdeur ». La position shizen-hontai dans l’attitude shisei n’est pas une simple position du corps et demande un minimum de travail sur soi. Ce « travail » va se faire sur la manière de respirer, de nous tenir verticalement dans l’attitude shisei* et ensuite de nous déplacer.

La perte de la stabilité commence dès que nous sortons de la position fondamentale shizen-hontaï. Notre stabilité est fragile. Il faut peu de chose pour l’affaiblir. La confrontation en Judo laisse peu de chance à celui qui laisse sa stabilité lui échapper par petits morceaux. Avant de faire un déplacement sollicité par le partenaire il est important de recentrer le pied le plus approprié sous notre centre de gravité afin d’éviter le défaut de la double lourdeur.

Pendant nos déplacements, il faut que notre tanden soit maintenu dans un confort permanent au dessus de nos appuis. Il faut donc utiliser des déplacements qui permettent de maintenir notre verticalité malgré les conditions parfois difficiles de la confrontation.

C’est toujours le Tanden, à condition qu’il soit stable, qui coordonne nos actions. Pour que notre tanden soit solide il faut que les membres inférieurs qui le supportent le maintiennent stable sans discontinuité. Pour qu’il soit stable sans discontinuité il faut que le déplacement des pieds respecte le plus possible le « tsugi-ashi » (Un pied suit l’autre) ainsi chaque pied, tour à tour, peut se placer naturellement à la verticale sous le tanden pour le maintenir sans relâchement pendant les déplacements.

 

Si nous réunissons l’attitude shisei et les déplacements dans la stabilité du tanden, nous pouvons parler de stabilité dynamique, dans la mesure où notre corps peut se déplacer instantanément dans toutes les directions à la moindre sollicitation de l’adversaire.

 

Ceci est très important.

 

*SHISEI :

Ce terme est traduit comme suit dans : ENCYCLOPEDIE DES ARTS MARTIAUX

Aux Editions AMPHORA

« Attitude, impliquant l’intégration de concepts physiques aussi bien que psychiques. Une attitude « juste » dans les arts martiaux suppose à la fois l’exactitude de la forme extérieure (SHI) et la présence de la forme intérieure (SEI). Ainsi chaque garde de combat, notamment, est l’expression de Shisei. On doit y trouver un enracinement correct, un bon positionnement du centre de gravité (Hara) un esprit de décision (Kime). Au-delà de cet aspect martial, Shisei est également l’attitude droite qu’il convient d’avoir face aux vicissitudes de la vie quotidienne. Elle est la preuve d’une grande maîtrise de soi. »

Cette traduction, bien que claire et précise n’explique pas comment il est possible de parvenir à « l’attitude juste ». Lorsque que nous participons à des stages d’experts, ceux-ci répondent le plus souvent à nos questions par : « Nécessaire beaucoup de travail ».

Si bien que nous copions des attitudes extérieures sans penser qu’il existe une forme intérieure (SEI) qu’il faudrait aussi intégrer.

Souvent citée mais jamais expliquée quelle est donc la nature de cette forme interne?

Personnellement j’utilise une méthode qui permet de prendre conscience du tanden, il s’agit de pratiquer et d’adopter la respiration inverse*, appelée ainsi du fait que les mécanismes de la respiration habituelle sont inversés. Concernant le judo cette respiration renforce l’unité de notre corps en créant un « haubanage » vertébral du bassin avec le haut de la colonne vertébrale. Cette nouvelle façon de respirer concentre notre énergie vers le tanden tout en libérant les tensions qui sont installées dans les épaules et les bras. Elle se ressent comme une densité intérieure qui, lorsqu’elle est acquise, permet de mieux contrôler les attaques rencontrées dans la pratique d’un sport de combat. Tout en créant une nouvelle forme de corps la respiration inverse influence notre rapport avec le partenaire par la stabilité accrue qu’elle procure. Avec la présence de l’attitude Shisei nos déplacements se réduisent au strict minimum, car les possibilités qui nous permettent d’agir sur la stabilité adverse sont décuplées.

Dans la vie quotidienne, cette densité intérieure est un soutien protecteur, qui se met en place instantanément dès qu’il est nécessaire de réagir à des événements extérieurs imprévus.

Sur le plan de la santé, je rappelle que la respiration inverse agit avec efficacité en apaisant les douleurs liées aux vertèbres lombaires et par la même occasion elle effectue un massage profond et bénéfique sur les intestins.

*La respiration inverse que j’adapte au judo est très proche de la respiration inversée qui est très souvent citée dans les arts orientaux.

 

Yvon RENELLEAU

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